Dans un contexte de taux réels durablement faibles et d’érosion monétaire, certains dirigeants envisagent d’allouer une partie de la trésorerie excédentaire de leur société à des cryptomonnaies. Cette stratégie, encore marginale, mérite toutefois une analyse rigoureuse tant sur le plan fiscal que comptable et de gouvernance.
Les avantages potentiels
Le premier avantage réside dans la diversification des actifs de trésorerie. Les cryptomonnaies, en particulier les actifs les plus établis, peuvent constituer une classe d’actifs décorrélée des marchés financiers traditionnels. Pour une société disposant d’une trésorerie structurellement excédentaire, cette diversification peut contribuer à améliorer le rendement global à long terme.
Sur le plan fiscal, la situation des sociétés belges est claire et prévisible. Contrairement aux personnes physiques, une société ne peut jamais être taxée en « revenus divers ». Les plus-values réalisées sur des cryptomonnaies font partie intégrante du résultat imposable et sont soumises à l’impôt des sociétés, au taux de 25 % (ou 20 % sur la première tranche de 100.000 euros sous conditions PME).
Par ailleurs, les frais directement liés à la gestion de ces actifs (conseil, sécurité informatique, custody, audit) sont en principe déductibles, pour autant qu’ils répondent aux conditions générales de déductibilité et s’inscrivent dans une logique de gestion normale de la trésorerie.
Les inconvénients et points d’attention
Le principal risque demeure la volatilité élevée des cryptomonnaies. Une société doit pouvoir justifier que les montants investis ne compromettent ni sa liquidité à court terme ni sa capacité à faire face à ses engagements opérationnels. Une allocation excessive pourrait être considérée comme incompatible avec une gestion prudente de la trésorerie.
Sur le plan comptable, la qualification des cryptomonnaies (immobilisations incorporelles ou placements de trésorerie) est déterminante. Elle influence le traitement des réductions de valeur, la reconnaissance des pertes latentes et la présentation des comptes annuels. Une politique comptable claire et documentée est indispensable.
Un autre point d’attention concerne la gouvernance. Une gestion active, assimilable à du trading intensif, pourrait soulever des questions quant à la cohérence avec l’objet social et le profil de risque accepté par les organes de gestion. Même si cela ne modifie pas le taux d’imposition, cela peut avoir des implications en matière de responsabilité des dirigeants.
Enfin, le cadre réglementaire reste évolutif. Les futures réformes fiscales belges visent principalement les personnes physiques, mais une vigilance permanente est requise, notamment en matière de transparence, de lutte contre le blanchiment et de traçabilité des opérations.